J’étais malade depuis l’age de mes 3 ans, je n’ai pas de souvenir de moi non malade, je pense qu’on ne pouvait pas forcément dire que j’étais schizophrène dès 3 ans mais à l’âge de 12 ans, avec mes symptômes, je pense qu’on devait pouvoir l’établir. Je n’ai pas été soigné avant l’âge de 23 ans, car je n’avais pas de symptômes très visibles (comme par exemple de grosses hallucinations), j’avais surtout un profond mal être, de la parano intense, des idées bizarres, l’impression que j’étais démoniaque et malsain et que j’avais peur de contaminer les autres par cela, et que le fait que je pouvais les contaminer était une raison supplémentaire de pensée que j’étais malsain et démoniaque, j’avais honte et peur que les gens connaissent le contenu de mes pensées, car je les ressentais comme étant franchement malsaines aux yeux des autres.
C’est pour ça que je cachais ma maladie et mes pensées, que je n’ai témoigné à personne de ma maladie. J’ai vu un psychiatre volontairement à partir de mes 17 ans, j’ai fait ce geste de le consulter en espérant qu’il y ait une solution (c’était désespéré car j’avais extrêmement peur qu’il n’y ait pas de solution et que ça me précipite dans la folie), mais finalement je lui ai caché que j’avais franchement des symptômes parano (ce qui aurait permis de faire le diagnostic), car j’avais peur que si il le sache il m’enferme toute ma vie en hôpital psychiatrique car, n’étant sûr que j’étais schizophrène, je redoutais qu’il pense que j’ai une maladie mentale encore plus grave et qui me pousserait à devenir dangereux (mes phobies d’impulsions auraient été la preuve que les gens comme moi deviennent dangereux à un moment aux yeux des médecins).
J’ai donc été suivi par un psychiatre jusqu’à mes 19 ans sans qu’il comprenne que j’étais schizophrène et sans qu’il me donne le traitement adapté. Donner mes ressentis, mes sentiments à ce médecin sans avoir le traitement adapté m’a franchement dérangé, et bien que cet épisode soit passé aujourd’hui, mes consultations avec lui étaient vécues comme un viol psychique car je les vivais comme forcées, en effet j’avais peur que si je le quitte, ne le vois plus, alors il me fasse enfermer, aussi, le partage des mes idées avec lui étaient vécu comme un viol, comme si je racontais un truc super dérangeant à quelqu’un dont je ne voulais surtout pas qu’il l’entende. J’avais peur sans arrêt après la fin de ces consultations qu’il revienne et me fasse enfermer à vie, j’avais peur sans arrêt de ça, et c’est aussi pour ça que je ressentais ces consultations comme un viol: leur existence m’empêchait de redevenir serin, ça m’avait donc détruit jusqu’à la fin de ma vie.
C’est à 23 ans, après qu’une personne m’ait incité à fumer un pétard très concentré en cannabis (durant ma première année de médecine) que j’ai fait une crise d’angoisse mémorable et que j’ai commencé à recevoir un traitement.
C’est bien triste et douloureux de penser que toute son enfance n’était que souffrance mais c’est ainsi. C’est dur à expliquer, mais je gardais l’espoir tout de même, un espoir utopique, fou, mais il était là quand même en permanence.
J’ai continué les études quelques années et abandonné, je n’avais pas la confiance en moi, la motivation, les capacités de concentration et de travail, et l’aplomb nécessaire parfois pour être médecin.
J’avais créé un compte sur le forum schizophrénie Atoute avec ce pseudo (e884571) en 2011 (environ) car à l’époque j’étais inquiet qu’on puisse connaître mon identité avec le pseudo et donc pour être sûr de rester anonymes, j’ai mis un pseudo ne pouvant donner d’indications sur moi. Simplement j’étais en quelques sorte un peu parano (bien que j’avais un traitement qui faisait que j’allais pas si mal) et je m’inquiétais trop que le fait que je sois schizophrène puisse être connu, et je m’inquiétais que, si des gens que je connaissais finissaient par savoir cela, je ne supporte plus leur regard jugeant sur mon moi, trop dérangeant.
Je pense qu’il y a réellement des idées fausses qui circulent sur la schizophrénie, et c’est pourquoi j’invite les personnes souffrant de cette maladie à ne pas le dire à tout le monde, pour ne pas risquer d’être mal vu. Et aussi, si jamais vous le dites à une personne que vous connaissez mal, si celle-ci finit par se fâcher avec vous, elle pourrait vous faire marcher en menaçant de divulguer cette information, ce qui ne peut pas arriver si vous ne le racontez pas aux personnes que vous connaissez mal. Mais il faut aussi avouer que j’étais parano et m’inquiétait trop de cela, et que je ne supportais pas de manière maladive le regard des autres et leur jugement que j’imaginais sur moi, du coup le fait que je sache que les autres sachent que je suis schizophrènes m’aurait perturbé profondément et rendu la vie invivable. C’était ainsi, heureusement ça s’est assez bien amélioré.